Le mardi 11 juin, l’Humathèque Condorcet présente "Composer les mondes", un film d’Eliza Levy sur la pensée de Philippe Descola. La projection sera suivie d'un échange entre la réalisatrice Eliza Levy, l’anthropologue Philippe Descola et le public, puis d'un verre de l'amitié.
Eliza Levy rencontre Philippe Descola en 2015 durant le colloque Anthropocène au Collège de France, organisé à l’occasion de la COP 21. Elle lui propose de mettre en images les concepts au cœur de son travail. Une conversation s’ouvre et, ensemble, souvent accompagnés de son épouse l’ethnologue Anne Christine Taylor, ils cheminent dans la mise en œuvre du film. En Equateur où il a vécu avec les tribus Jivaros Shuar et Achuar il y a 40 ans, dans les paysages de leurs quotidiens, dans les archives photographiques du couple, et enfin en France sur la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes où un nouveau collectif expérimente un autre lien à la terre. Ce film décale notre regard sur le monde pour le transformer.
À partir d’où repenser notre monde pour le transformer ? Philippe Descola a consacré sa vie d’anthropologue à étudier comment les humains composaient leurs mondes ; parti d’Amazonie il a tourné son champ de recherche vers l’Europe, afin de comprendre comment nous, les modernes, avions pu rendre la terre de moins en moins habitable. Le film l’emmène incarner ses idées, en dialogue avec les non-humains tout autour de nous, au cœur d’une expérience sociétale unique au monde, en France, à Notre-Dame-des-Landes. Là, sur et avec la terre sauvée du béton, en lieu et place d’un aéroport pharaonique, se déploie une nouvelle composition du monde.
Avec Composer les mondes, la réalisatrice Eliza Levy, nourrie par les travaux de Philippe Descola, explore par le sensible un sujet qui touche chacun à l’échelle individuelle et pose la question de nos comportements collectifs : comment habiter le monde ? Comment repenser notre rapport à la nature ? Le film incarne ainsi la pensée de l’anthropologue pour saisir la nécessité de décentrer notre regard et repenser notre rapport avec le vivant. Il invite alors à réfléchir à un nouveau socle commun, à voir qu’il existe d’autres manières d’être au monde.
Séance suivie d'un dialogue avec :
Eliza Levy : Le travail personnel d’Eliza Levy fait émerger des mondes et des formes nouvelles. Elle étudie le cinéma à Paris 8 sous la direction de Jean-Louis Comolli et apprend son métier de réalisatrice en filmant la scène hip-hop parisienne des années 90, notamment au travers d’une longue collaboration avec Oxmo Puccino. Pendant vingt ans, elle tourne, monte et réalise différents formats pour le cinéma et la télévision, dont un épisode de la quatrième saison de la série Engrenages (2012) et le court-métrage Kairos (2014) interprété par Reda Kateb. Elle adapte actuellement en série le roman de Wajdi Mouawad, Anima (ARTE). En 2015, elle entame un dialogue avec Philippe Descola. De leur collaboration naîtront deux films Composer Les Mondes (2021) et La Fausse Transparence du Réel, long métrage en cours d’écriture.
Philippe Descola :L’anthropologue a mis à jour ce qui nous échappe : la nature n’existe pas. C’est une idée qui a permis aux occidentaux de s’extraire du vivant. Transmettre sa pensée est vital pour repenser le monde. Il a démontré que nos sociétés modernes étaient les seules à diviser le monde en deux. D’un côté les humains, êtres de culture et de l’autre tout le reste, animaux, plantes…rangés dans la nature. Dans l’histoire de l’humanité, cette scission Nature/Culture est unique et récente de 500 ans. Extérieurs à la nature nous pouvons l’étudier et nous en servir comme d’un vaste supermarché. Dans ce film, nous le suivons en Equateur où il a vécu avec les tribus Jivaros Shuar et Achuar il y a 40 ans et, en France, sur la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes où un nouveau collectif expérimente un autre lien à la terre. Ces voyages décalent notre regard sur le monde pour le transformer.
Anthropologue français aujourd’hui le plus commenté au monde, Philippe Descola étudie la philosophie à l'École normale supérieure de Saint-Cloud et l'ethnologie à l'École pratique des hautes études où il effectue sa thèse sous la direction de Claude Lévi-Strauss. Chargé de mission par le CNRS au tout début de sa carrière, il part en Amazonie d'août 1976 à août 1978 pour mener des enquêtes ethnographiques de terrain auprès des Indiens Jivaros Achuar. Il étudie comment les Achuar identifient les êtres de la nature et les types de relations qu'ils entretiennent avec eux. Cette expérience ethnographique nourrit sa thèse soutenue en 1983 et intitulée "La Nature domestique, Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achuar". Philippe Descola y montre notamment comment les Achuar attribuent des caractéristiques humaines à la nature, les humains et non-humains formant ainsi un continuum. Après cette expérience ethnographique, Philippe Descola devient maître de conférences (1987) puis directeur d'études (1989) à l'EHESS. Étendant progressivement sa réflexion à d'autres sociétés, et dépassant l'opposition entre nature et culture, il redéfinit la dialectique structurant notre propre rapport au monde et aux êtres : "Seul l'Occident moderne s'est attaché à classer les êtres selon qu'ils relèvent des lois de la matière ou des aléas des conventions. L'anthropologie n'a pas encore pris la mesure de ce constat : dans la définition même de son objet – la diversité culturelle sur fond d'universalité naturelle –, elle perpétue une opposition dont les peuples qu'elle étudie ont fait l'économie. Peut-on penser le monde sans distinguer la culture de la nature ?".
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